Pietro Righi Riva, co-fondateur de Santa Ragione : entre Horses, Steam et l’éventualité de la fermeture du studio

Dans une année où la liste des studios qui ferment ne cesse de s’allonger, l’histoire de Pietro Righi Riva et de Santa Ragione frappe un nerf à vif dans l’industrie du jeu. Coincé entre un projet radical, Horses, un bannissement définitif sur Steam et la possible fermeture du studio, le parcours du créateur milanais ressemble à un cas d’école sur les limites du jeu vidéo indépendant face aux géants des plateformes.

Contenus masquer

Ce récit est aussi celui d’un studio qui, depuis plus d’une décennie, pousse le développement de jeux vers des territoires que peu osent explorer. Aujourd’hui, cette ambition se heurte de plein fouet aux règles opaques d’un écosystème dominé par un seul store PC.

Pietro Righi Riva et Santa Ragione : un studio indépendant à la croisée des chemins

Depuis Milan, Pietro Righi Riva pilote Santa Ragione comme un laboratoire d’expérimentation. Le studio s’est fait un nom avec des titres comme MirrorMoon EP, FOTONICA, Wheels of Aurelia, Saturnalia ou encore Mediterranea Inferno, tous marqués par une approche narrative et esthétique singulière.

Face à la vague de fermetures de studios en Europe et ailleurs, le cas Santa Ragione illustre à quel point le destin d’un jeu vidéo indépendant peut se jouer sur une seule décision de plateforme. La sortie de Horses pourrait décider non seulement de l’avenir du jeu, mais aussi de l’existence même du studio.

  • Fondation : création de Santa Ragione en 2010 à Milan.
  • Positionnement : studio focalisé sur les jeux narratifs et expérimentaux.
  • Réputation : auteur de titres récompensés dans la scène indé.
  • Risque actuel : menace de fermeture du studio après Horses.
Élément Description Impact sur le studio
Pietro Righi Riva Co-fondateur, directeur de Santa Ragione Vision créative et décisions stratégiques du studio
Orientation artistique Jeux narratifs, expérimentaux, souvent à contre-courant Public de niche, fort capital critique mais risque commercial élevé
Horses Jeu d’horreur à la première personne aux visuels radicaux Projet décisif, associé au risque de fermeture
Écosystème PC Dépendance au store Steam Un bannissement suffit à menacer la survie de l’entreprise

Un directeur de studio entre création, gestion et survie économique

Dans les entrevues qu’il accorde, Pietro Righi Riva insiste souvent sur un équilibre délicat : diriger un studio, c’est à la fois guider une vision artistique et naviguer dans le business jeux vidéo. Santa Ragione fonctionne avec de petites équipes pluridisciplinaires, souvent internationales, où chaque projet demande de jongler entre contraintes budgétaires, calendriers serrés et ambitions créatives.

Ce mode de fonctionnement rend chaque pari risqué : un jeu qui déraille, un partenaire qui se retire, une plateforme qui bloque l’accès au marché, et c’est tout l’édifice qui vacille. Horses concentre à lui seul tous ces enjeux.

  • Direction créative pensée pour un large public curieux, pas forcément mainstream.
  • Organisation en équipes réduites, mais très spécialisées.
  • Combinaison de financement : auto-financement, amis, contrats annexes.
  • Dépendance aux vitrines majeures comme Steam pour toucher les joueurs.
Rôle de Pietro Objectif principal Conséquence sur les projets
Directeur créatif Porter des concepts narratifs originaux Jeux atypiques qui se distinguent dans l’industrie du jeu
Producteur Respecter budget et planning Choix difficiles sur la portée et la durée des projets
Curateur Positionner chaque jeu comme œuvre singulière Image forte, mais marché limité
Gestionnaire Assurer la survie économique du studio Recherche constante de financements et de deals

Horses : un jeu d’horreur expérimental au cœur de la tourmente

Horses est né comme un projet de thèse avant d’être pris sous l’aile de Santa Ragione début 2021. Dirigé par le réalisateur Andrea Lucco Borlera, le jeu plonge dans un univers en noir et blanc, étrange, où les chevaux sont des corps humains nus à tête de cheval, dotés de parties intimes pixélisées. L’expérience flirte avec le surréalisme, la mise en scène cinématographique et l’horreur psychologique.

Ce parti pris radical place Horses en marge du paysage habituel de l’industrie du jeu. Impossible de le confondre avec un énième survival-horror : c’est plutôt un OVNI qui interroge les limites de ce que peut raconter un jeu vidéo indépendant.

  • Type : jeu d’horreur à la première personne.
  • Origine : projet de thèse, puis développement encadré par Santa Ragione.
  • Esthétique : noir et blanc, créatures humaines-chevaux, privates pixélisés.
  • Ton : expérimental, dérangeant, plus proche du cinéma d’auteur que du blockbuster.
Caractéristique de Horses Description Effet recherché
Perspective Vue à la première personne, immersion totale Plonger le joueur dans un malaise intime
Univers visuel Noir et blanc, figures hybrides humaines/chevaux Créer un sentiment d’étrangeté permanente
Thématiques Corps, pouvoir, violence symbolique Explorer la condition humaine via le médium jeu
Live-action granuleux Images filmées insérées dans le gameplay Flouter la frontière entre réalité et fiction

De la thèse au produit fini : la trajectoire fragile d’un jeu vidéo indépendant

Sous la houlette de Pietro Righi Riva, le projet d’Andrea Lucco Borlera passe d’une maquette d’école à un véritable produit commercial. L’équipe sait que Horses ne deviendra pas un hit grand public, mais le voit comme un pas en avant majeur dans leurs trajectoires et une vitrine du savoir-faire de Santa Ragione.

Le budget grimpe progressivement, jusqu’à atteindre environ 100 000 dollars, une somme significative pour un studio de cette taille. L’investissement n’est pas seulement financier : des années de travail, de sacrifices personnels et de nuits blanches se cristallisent dans ce projet.

  • Mue d’un prototype étudiant vers un jeu commercial complet.
  • Supervision par un studio reconnu dans la scène indé.
  • Investissement financier estimé autour de 100 000 $.
  • Esprit assumé : mieux vaut marquer les esprits que plaire à tout le monde.
Étape de développement Acteurs clés Risque associé
Projet de thèse Andrea Lucco Borlera Portée limitée, peu de moyens
Intégration chez Santa Ragione Andrea + équipe du studio Engagement de ressources humaines et techniques
Développement intensif Équipe resserrée, encadrement de Pietro Montée des coûts, dépendance au succès futur
Préparation commercialisation Studio + partenaires potentiels Dépendance aux plateformes comme Steam

Ce parcours, typique de nombreux projets de développement de jeux indés, va pourtant se heurter à un mur inattendu : la politique de contenu de la plateforme dominante sur PC.

Le bannissement de Horses sur Steam : un tournant brutal

Lorsque Santa Ragione soumet la page Steam de Horses pour commencer à récolter des wishlists, tout semble suivre son cours habituel. Puis le silence. Aucun retour, aucune validation. Pietro Righi Riva comprend que quelque chose cloche et relance son contact chez Valve.

La réponse tombe : avant de valider la page, la plateforme exige un build complet du jeu, jouable du début à la fin. Pour un titre qui n’est même pas à mi-parcours de sa production, c’est un coup de massue. L’équipe se lance alors dans un sprint insensé pour assembler une version entière, remplie de placeholders, juste pour répondre à cette demande exceptionnelle.

  • Soumission de la page Steam pour générer des listes de souhaits.
  • Silence prolongé de Valve, inhabituel pour le studio.
  • Demande inédite : fournir un build complet du jeu.
  • Réalisation express d’une version jouable dans l’urgence.
Événement clé Action de Santa Ragione Conséquence immédiate
Silence après soumission de la page Relance de Pietro Righi Riva auprès de Steam Inquiétude croissante côté studio
Demande d’un build complet Développement accéléré, nuits blanches Version jouable créée avec de nombreux placeholders
Envoi du build à Steam Attente d’un feu vert classique Nouvelle période de silence
Message automatique de Valve Réception d’un refus définitif Choc et remise en question stratégique

Accusation de contenu inacceptable et zone grise des politiques

Le verdict de Steam tombe sous la forme d’un message automatique : Horses ne sera pas distribué sur la plateforme. Le texte évoque des thèmes ou images assimilés à un contenu sexuel impliquant un mineur, contenu que Valve refuse catégoriquement, même en situation de “zone grise”.

Pour Santa Ragione, le choc est double. Non seulement le jeu est banni, mais l’app est marquée comme irrécupérable : impossible de la soumettre à nouveau, même modifiée. Malgré plusieurs tentatives d’appel pour comprendre précisément quelle scène pose problème, le studio ne reçoit jamais de réponse détaillée sur le segment incriminé.

  • Refus fondé sur l’interprétation de contenu sexuel lié à un mineur.
  • Interdiction définitive : l’ID de l’app ne peut plus être utilisée.
  • Absence de précisions sur les scènes à modifier.
  • Appels du studio restés sans identification claire des passages posant problème.
Point de la politique Steam Interprétation par Valve Effet sur Horses
Pas de sexualité impliquant un mineur Inclut toutes les représentations même perçues en “zone grise” Jeu considéré comme non éligible à la distribution
Paramètre “high school” ou contexte adolescent Même si les personnages sont déclarés majeurs Exemple cité par Valve comme motif de bannissement
Build complet exigé Permet une revue complète du contenu in game Détection supposée de la scène problématique
Décision finale Contenu jugé incompatible avec les règles Bannissement définitif de Horses sur Steam

Dans sa communication publique, Valve explique qu’après examen du build, une discussion interne approfondie a mené à la confirmation du refus initial, en accord avec leurs règles d’onboarding. Une explication générale, mais qui ne répond pas au besoin concret des créateurs : savoir ce qu’ils auraient dû changer.

Scènes controversées, live-action et interprétation des limites

Au fil des échanges avortés, Pietro Righi Riva développe sa propre hypothèse sur la scène qui aurait déclenché le bannissement. Dans une séquence du milieu du jeu, le joueur, un employé de ferme, accompagne une jeune fille lors d’une promenade à cheval dans cet univers de créatures humanoïdes. Même sans nudité explicite et sans intention sexuelle, la juxtaposition des éléments aurait pu être perçue comme problématique par Steam.

Pour éviter toute ambiguïté, la version finale remplace cette adolescente par une femme d’une vingtaine d’années. Selon l’équipe, la scène ne gagne pas seulement en clarté juridique, mais aussi en justesse de ton : le dialogue fonctionne mieux avec un personnage adulte, ce qui réduit la dissonance ressentie par certains testeurs.

  • Scène clé : balade à cheval avec un personnage initialement mineur.
  • Univers : créatures humaines-chevaux nues, parti pris artistique assumé.
  • Absence de nudité dans les séquences live-action, acteurs crédités ou stock contrôlé.
  • Réécriture : remplacement de l’adolescente par une femme dans la vingtaine.
Élément de Horses Version initiale Ajustement dans la version finale
Personnage de la balade Jeune fille, perçue comme mineure Jeune femme adulte, clairement identifiée
Créatures “chevaux” Corps nus avec têtes de cheval, privates pixélisés Design maintenu, mais contexte réévalué
Live-action granuleux Scènes filmées, acteurs et sources vérifiés Conservé, Valve avait exprimé des inquiétudes informelles
Dialogue clé Interaction potentiellement ambivalente Dialogue renforcé avec un personnage adulte, plus cohérent

Quand le live-action et l’horreur expérimentale deviennent suspects

Horses partage un point commun avec un autre titre indé, Vile: Exhumed : l’usage de prises de vue réelles intégrées au jeu. Steam a également banni Vile: Exhumed, cette fois pour “contenu sexuel avec représentation de personnes réelles”, même si celui-ci avait au départ obtenu une page validée.

Pour Santa Ragione, ce parallèle nourrit l’idée que certains mélanges – horreur, expérimentation visuelle, live-action, grain réaliste – déclenchent plus facilement la méfiance des équipes de revue de contenu. Pourtant, les développeurs assurent que toutes les images utilisées dans Horses sont parfaitement traçables, sans nudité réelle ni exploitation problématique.

  • Usage de séquences live-action dans un cadre horrifique.
  • Comparaison avec Vile: Exhumed, autre cas de bannissement.
  • Inquiétudes informelles de Steam autour de la nature des images.
  • Certification par le studio : acteurs crédités, banques d’images légitimes.
Jeu Spécificité visuelle Raison officielle du bannissement
Horses Live-action granuleux + créatures surréalistes Apparente représentation de sexualité impliquant un mineur
Vile: Exhumed Horreur avec images filmées, style gore Contenu sexuel avec personnes réelles
Jeux PC classiques Graphismes entièrement numériques Généralement plus faciles à cadrer dans les guidelines
Jeux narratifs adultes Thématiques matures, mais présentation moins radicale Souvent tolérés tant qu’ils restent dans un cadre clair

Le coût humain et financier pour Santa Ragione

Au moment où la décision de Steam tombe, environ 50 000 € ont déjà été investis dans Horses. Les membres de l’équipe comprennent que la suite sera un combat en montée. Sans accès à la plus grande vitrine de jeux PC, convaincre un éditeur de financer le projet devient quasi impossible.

Pietro Righi Riva organise alors la survie à court terme : chacun cherche des side jobs, y compris lui, pour garder un minimum de revenu tout en poursuivant le développement. En dernier recours, il sollicite ses amis, leur demandant à chacun de prêter 5 000 €. Dix d’entre eux acceptent, permettant au projet de tenir un peu plus longtemps.

  • Investissement initial : environ 50 000 €.
  • Complément : prêts personnels pour atteindre près de 100 000 $ investis.
  • Side jobs pour maintenir une activité pendant le développement.
  • Absence totale de perspective de financement classique sans Steam.
Source de financement Montant approximatif But
Fonds du studio ~ 50 000 € Lancement et cœur du développement de Horses
Prêts d’amis 10 × 5 000 € Finaliser le jeu malgré le bannissement Steam
Travaux annexes de l’équipe Variables Assurer un minimum de revenus personnels
Éditeurs potentiels 0 € au final Refus systématique après connaissance du bannissement

Le découragement d’un réalisateur et le basculement de carrière

Pour Andrea Lucco Borlera, le réalisateur de Horses, la décision de Steam a des conséquences personnelles profondes. Il voyait ce jeu comme son tremplin dans l’industrie du jeu, une manière de transformer une passion venue du cinéma en carrière durable de créateur de jeux.

Lorsque le bannissement devient définitif, le sentiment est celui d’une injustice implacable : des années de sacrifices balayées en un e-mail automatique. Andrea décrit un mélange de choc, d’impuissance et de désillusion. Convaincu que le terrain est trop miné pour y construire un avenir, il choisit finalement de réorienter sa carrière en dehors du jeu vidéo, en gardant la création ludique comme simple hobby.

  • Projet perçu comme “grand saut” professionnel pour Andrea.
  • Impact psychologique fort : sentiment d’effort annulé en un instant.
  • Perte de perspective économique après le bannissement.
  • Décision de quitter le secteur comme activité principale.
Acteur Attente initiale Conséquence après bannissement
Andrea Lucco Borlera Lancer une carrière de game dev auteuriste Reconversion hors du jeu vidéo, pratique en hobby
L’équipe de Santa Ragione Consolider la réputation du studio Risque de disparition, bascule vers des activités annexes
Pietro Righi Riva Pousser encore plus loin l’expérimentation indé Accent sur le conseil et l’enseignement pour sécuriser l’avenir
Communauté des joueurs Découvrir un OVNI horrifique via Steam Jeu potentiellement invisible pour une grande partie du public PC

Les éditeurs face au mur Steam : quand le business jeux vidéo se ferme

Ironie cruelle : avant le bannissement, Horses suscite un intérêt éditeur inédit pour Santa Ragione. Pour la première fois, plusieurs maisons de publication – certaines très influentes – prennent contact spontanément pour discuter d’un partenariat. La visibilité obtenue, notamment via des événements comme l’IGN Summer of Gaming, paie enfin.

Mais à chaque discussion sérieuse, la même phrase revient : “Il y a un problème, le jeu est banni de Steam.” Au départ, certains éditeurs se montrent confiants, assurant qu’ils “iront parler à leurs contacts chez Valve” pour débloquer la situation. Les semaines passent, et les retours finissent tous par converger vers un constat sans appel : “Désolé, il n’y a vraiment rien à faire.”

  • Multiplication d’approches spontanées d’éditeurs après la révélation du projet.
  • Promesses initiales d’utiliser des relations avec Steam pour arranger la situation.
  • Retraits successifs des partenaires potentiels.
  • Blocage structurel : un jeu banni de Steam devient quasi “non finançable”.
Phase de négociation Position de l’éditeur Issue pour Horses
Premiers contacts Intérêt fort, envie de publier le jeu Discussions sur budgets et planning
Découverte du bannissement Steam Minimisation du problème au début Promesse d’intervenir auprès de Valve
Retour des éditeurs Constat qu’aucune exception n’est possible Abandon du projet par précaution
Situation finale Refus général de prendre le risque Horses reste financé uniquement par le réseau du studio

La dépendance structurelle à une seule plateforme PC

Le cas Horses illustre jusqu’à la caricature un fait rarement assumé à voix haute : sur PC, l’économie du jeu vidéo indépendant repose largement sur Steam. Un titre qui n’a pas le droit d’exister sur le store de Valve est automatiquement considéré comme trop risqué par la plupart des partenaires financiers.

D’autres plateformes existent, bien sûr, mais aucune ne concentre autant de joueurs, d’habitude d’achat et de visibilité. Pour un éditeur, miser des centaines de milliers d’euros sur un jeu invisible sur Steam revient à marcher sans filet au-dessus du vide.

  • Steam domine le marché PC, malgré la concurrence d’autres stores.
  • Visibilité, soldes, recommandations algorithmiques : avantages cumulés.
  • Éditeurs frileux : un bannissement y est perçu comme un “marqueur de mort”.
  • Horses devient un cas d’école de dépendance à une seule plateforme.
Plateforme Poids dans la diffusion des jeux PC Implication pour un jeu indé banni de Steam
Steam Plateforme dominante, part de marché majeure Bannissement = perte d’accès au public principal
Autres stores PC Visibilité plus limitée Peuvent compléter, mais rarement compenser
Consoles Curieuses des indés, mais avec leurs propres filtres Souvent plus difficiles d’accès pour des projets ultra-expérimentaux
Distribution directe Sites des développeurs, boutiques alternatives Requiert une fanbase très engagée pour être viable

Steam, règles opaques et futur des jeux qui bousculent les lignes

À travers cette affaire, Pietro Righi Riva s’interroge ouvertement sur le futur des œuvres qui, comme celles de Santa Ragione, “poussent les frontières de ce que peut être un jeu”. Quand un studio choisit d’explorer la violence, les dynamiques de pouvoir ou les zones sensibles de la psyché humaine, il s’expose à rencontrer un jour une version ou une autre de ce mur réglementaire.

Pour lui, une partie du problème vient moins de l’existence des règles que de leur opacité. Les créateurs se retrouvent à naviguer à vue, sans savoir précisément ce qui reste acceptable, surtout lorsqu’ils travaillent dans des terrains esthétiques ou thématiques inhabituels.

  • Jeux de Santa Ragione : exploration du corps, de la mémoire, des rapports de force.
  • Thèmes sensibles : violence, sexualité, domination, marginalité.
  • Question centrale : jusqu’où une plateforme doit-elle tolérer l’expérimentation ?
  • Souhait du studio : des guidelines plus claires, cas par cas mieux argumentés.
Type de contenu Position typique des plateformes Impact sur les jeux expérimentaux
Violence explicite Souvent tolérée avec classification d’âge Large marge de manœuvre pour les jeux d’action
Sexualité explicite Beaucoup plus encadrée, voire bannie Frein pour certains jeux narratifs ou artistiques
Sujets “zones grises” (mineurs, pouvoir) Traitement très strict, prudence maximale Risque accru de malentendu et de bannissement
Expérimentation formelle (live-action, collage) Souvent incomprise, perçue comme plus risquée Jeux comme Horses ou Vile: Exhumed se retrouvent exposés

Un possible effet positif : pousser à plus de transparence

Malgré la dureté de la situation, Pietro Righi Riva voit un mince espoir : que le bruit médiatique autour de Horses pousse des plateformes comme Steam à revoir la manière dont elles accompagnent les cas limites. Plus de transparence, plus de dialogue, davantage d’explications détaillées pourraient éviter à d’autres studios de se retrouver pris au piège de règles mal comprises.

Dans le meilleur des cas, cette affaire pourrait contribuer à l’élaboration d’un environnement où les créateurs savent à quoi s’en tenir avant de passer des années sur un projet qui pourrait être bloqué au dernier moment. Un enjeu crucial, surtout pour les équipes aux ressources limitées.

  • Potentiel levier pour améliorer la communication entre plateformes et développeurs.
  • Demande de guidelines plus explicites, surtout pour les contenus liminaires.
  • Possibilité d’un dialogue plus constructif lors des appels.
  • Exemplarité de Horses pour éviter des drames similaires dans l’avenir.
Amélioration souhaitée Effet pour les développeurs Bénéfice pour l’écosystème
Règles plus détaillées Compréhension en amont des lignes rouges Moins de projets sacrifiés au dernier moment
Processus d’appel structuré Possibilité d’ajuster sans bannissement définitif Réduction de la frustration et des bad buzz
Dialogue direct et contextualisé Feedback précis sur les scènes problématiques Encouragement d’une création responsable, pas terrorisée
Cas exemplaires publics (anonymisés) Référentiels concrets pour les studios Culture commune des limites acceptables

Une éventuelle fermeture du studio et les plans de survie de Pietro Righi Riva

Dans ses prises de parole récentes, Pietro Righi Riva ne masque pas la réalité : si Horses ne trouve pas son public à sa sortie hors Steam, la fermeture du studio apparaît comme une perspective très probable. Il refuse de prendre une décision définitive avant de voir les résultats du lancement, mais la projection financière est sombre.

L’argent généré par le jeu devra d’abord rembourser l’auteur et les proches qui ont prêté des fonds pour terminer le projet. Dans ce schéma, il reste peu de marge pour financer un nouveau jeu. À moins d’un succès inattendu, Santa Ragione pourrait donc s’arrêter sur ce titre, ce qui donnerait à Horses une dimension presque testamentaire.

  • Risque de fermeture clairement assumé par le directeur du studio.
  • Revenus prioritaires : remboursement de l’auteur et des prêteurs.
  • Faible probabilité de dégager un budget pour un projet suivant.
  • Horses perçu comme un possible “dernier jeu” de Santa Ragione.
Scénario Résultat de Horses Conséquence pour Santa Ragione
Succès important Ventes fortes malgré l’absence sur Steam Possibilité de poursuivre l’activité et de lancer un nouveau projet
Résultat correct Remboursement des dettes, bénéfice limité Studio en pause, incertitude sur un futur jeu
Échec commercial Ventes insuffisantes pour couvrir les coûts Fermeture du studio difficilement évitable
Miracle externe Subvention, rachat, deal inespéré Relance possible, mais très hypothétique

Une transition vers le consulting et l’enseignement

Pour ne pas tout miser sur le destin d’un seul jeu, Pietro Righi Riva s’appuie déjà sur plusieurs activités parallèles : consulting, accompagnement de projets, et enseignement dans le domaine du développement de jeux. Ces rôles lui permettent de rester au contact de la création tout en assurant un minimum de stabilité financière personnelle.

Si Santa Ragione devait cesser ses activités en tant que studio de production, il resterait ainsi présent dans l’industrie du jeu comme passeur d’expérience. Pour les joueurs qui ont suivi le studio depuis ses débuts, il insiste sur une idée : même si Horses devait être le dernier jeu de la structure, il s’agit d’une œuvre capable de tenir debout par elle-même, sans regret artistique.

  • Développement de missions de conseil auprès d’autres studios.
  • Rôle de formateur et d’enseignant dans des écoles de jeux.
  • Transmission de l’expérience indé accumulée depuis 2010.
  • Positionnement futur : moins créateur en première ligne, plus mentor.
Activité Fonction pour Pietro Impact sur l’écosystème
Consulting Apporter une expertise à d’autres studios Diffusion de bonnes pratiques et de retours d’expérience
Enseignement Former la prochaine génération de créateurs Transmission d’une culture du jeu expérimental
Conférences et interviews Partager le vécu de Santa Ragione Ouvrir un débat sur les plateformes et la censure
Projets personnels futurs Rester dans le champ créatif même en solo Continuer à influencer, même à plus petite échelle

Qui est Pietro Righi Riva dans le paysage du jeu vidéo indépendant ?

Pietro Righi Riva est le co-fondateur et directeur du studio milanais Santa Ragione. Il se spécialise dans les jeux narratifs et expérimentaux, avec une approche qui privilégie l’originalité et la prise de risque artistique. Depuis 2010, il mène des projets comme MirrorMoon EP, FOTONICA, Wheels of Aurelia, Saturnalia ou Mediterranea Inferno, tout en gérant les contraintes économiques d’un studio indépendant de petite taille.

Pourquoi Horses a-t-il été banni de Steam ?

Selon la communication de Valve, Horses a été refusé sur Steam car le jeu contiendrait, d’après leur interprétation, des éléments pouvant être assimilés à de la sexualité impliquant un mineur, un type de contenu strictement prohibé par la plateforme. Santa Ragione affirme n’avoir jamais obtenu de précisions sur la scène exacte en cause, malgré plusieurs demandes, et a depuis modifié une séquence en remplaçant un personnage mineur par un adulte pour éviter toute ambiguïté.

Quel est l’impact du bannissement de Horses sur la survie de Santa Ragione ?

Le bannissement de Horses sur Steam a rendu extrêmement difficile la recherche de financement auprès d’éditeurs, la plupart refusant de soutenir un jeu absent de la principale plateforme PC. Le studio a dû se financer via ses propres fonds, des side jobs et des prêts d’amis. Pietro Righi Riva estime aujourd’hui que si Horses ne rencontre pas un minimum de succès à sa sortie hors Steam, la fermeture du studio sera très probable, les éventuels revenus devant d’abord rembourser l’auteur et les prêteurs.

Comment Horses se distingue-t-il des autres jeux d’horreur indépendants ?

Horses se démarque par son esthétique en noir et blanc, ses créatures hybrides humaines-chevaux aux parties pixélisées, et l’intégration de séquences live-action granuleuses inspirées du cinéma. Plutôt que de miser sur les jumpscares classiques, le jeu cherche à provoquer un malaise durable et à interroger le corps, le pouvoir et la violence symbolique. Cette radicalité visuelle et thématique en fait un objet singulier dans le paysage du jeu vidéo indépendant.

Pietro Righi Riva restera-t-il actif dans l’industrie du jeu si le studio ferme ?

Même en cas de fermeture de Santa Ragione, Pietro Righi Riva prévoit de rester présent dans l’industrie du jeu via le consulting, l’enseignement et l’accompagnement de projets. Il a déjà développé ces activités parallèlement à la direction du studio, afin d’assurer une stabilité financière et de partager son expérience. Son rôle pourrait ainsi évoluer d’un créateur en première ligne vers un mentor et expert soutenant d’autres développeurs et futurs auteurs de jeux.